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«L'avenir n'est plus ce qu'il était» [Paul Valéry]



Vers une privatisation de la guerre ?


Comprendre le récent décret sur le recours à des entreprises privées pour effectuer des missions militaires à l'étranger. Deux articles éclairants de FranceSoir.



 

 


 

C’est une information qui est passée relativement inaperçue du grand public, noyée dans le flot de l'actualité, mais qui pourrait marquer un tournant historique dans la conception de notre défense nationale. Le 31 octobre 2025, le gouvernement a publié le décret n°2025-1030, intitulé « relatif aux opérateurs de référence du ministère des armées pour la coopération militaire internationale ».
 

Derrière ce titre administratif un peu complexe se cache une réalité qui mérite que l'on s'y attarde : la France officialise et structure le recours à des entreprises privées pour effectuer des missions militaires à l'étranger. Certains observateurs n'hésitent pas à parler de la création d'un modèle à la française inspiré des sociétés américaines comme Blackwater ou russes comme Wagner.

De quoi s'agit-il exactement ?

Concrètement, ce décret permet au ministère des Armées de désigner des entreprises privées, appelées « opérateurs de référence », pour une durée maximale de dix ans. Ces sociétés se voient confier des droits exclusifs ou spéciaux dans des domaines variés tels que le terrestre, le maritime, l'aérien, le spatial ou la cyberdéfense.
 

Leur mission n'est pas anodine. Il ne s'agit pas seulement de gardiennage, mais bien d'accompagner et de prolonger l'action de l'État en matière de coopération militaire. Cela inclut la formation des forces partenaires, l'entraînement, le soutien logistique, et surtout le maintien en condition opérationnelle d'équipements militaires.
 

Pour le dire plus simplement, ces entreprises pourront être envoyées dans des pays étrangers, y compris en zone de crise ou de conflit armé, pour transmettre des savoir-faire militaires et gérer des matériels sensibles.

Pourquoi ce choix maintenant ?

Le contexte géopolitique actuel, dominé par la guerre en Ukraine et les tensions au Sahel, explique en grande partie cette décision. L'armée française est très sollicitée et le gouvernement cherche des moyens de « maintenir et développer l'influence de la France » sans forcément mobiliser massivement ses propres troupes.
 

C'est ce que l'on appelle une approche pragmatique. En déléguant certaines tâches à ces opérateurs privés, l'État libère ses soldats pour d'autres missions tout en assurant une présence auprès de ses alliés. Par exemple, cela permettrait d'envoyer des techniciens privés en Ukraine pour réparer des canons Caesar ou former des pilotes, sans que cela soit considéré comme un déploiement officiel de l'armée française.
 

Cela offre également une souplesse administrative : ces interventions ne nécessiteront pas systématiquement d'appels d'offres publics longs et complexes, simplifiant ainsi les procédures pour réagir vite.

Les zones d'ombre : démocratie et souveraineté

Si l'idée peut sembler séduisante sur le papier pour son efficacité, elle soulève de lourdes interrogations démocratiques et éthiques qui font débat.
 

Le premier point d'achoppement concerne le contrôle parlementaire. En France, l'article 35 de la Constitution oblige le gouvernement à informer le Parlement de toute intervention armée à l'étranger. Or, en passant par des sociétés privées, l'exécutif pourrait contourner cette obligation. C'est ce que certains critiques appellent une « privatisation rampante de la guerre », permettant d'externaliser des engagements militaires sans véritable débat démocratique.
 

Il existe aussi un risque juridique important. La frontière est parfois très mince entre le soutien logistique (maintenance, formation) et la participation directe aux combats. Si des employés de ces entreprises se retrouvent impliqués dans des hostilités, cela pourrait être requalifié en acte de cobelligérance, engageant la responsabilité de la France dans un conflit sans que cela ait été officiellement décidé.
 

Enfin, on peut s'interroger sur la souveraineté. Confier des secrets militaires et des savoir-faire stratégiques à des acteurs privés, motivés par la rentabilité économique, comporte toujours un risque de perte de contrôle ou de fuite d'informations, d'autant que ces entreprises pourraient être tentées par des alliances ou des actionnariats complexes à l'avenir.

Le double piège : coût financier et escalade militaire

Il est impératif d'aborder la question qui fâche : celle du carnet de chèques. Alors que la France croule sous une dette avoisinant les 3 500 milliards d'euros, avons-nous réellement les moyens de nous offrir une armée privée ? Si le recours à l'externalisation est souvent justifié par une volonté de souplesse, la réalité comptable est bien différente.
 

Les documents que j'ai consultés sont clairs sur ce point : pour attirer les compétences, ces entreprises devront proposer des salaires bien plus attractifs que ceux de l'armée régulière. 
 

On évoque déjà la possibilité que des militaires d'active se mettent en disponibilité pour être recrutés par ces opérateurs, attirés par une rémunération « sensiblement supérieure à la solde OPEX » (la prime d'opération extérieure) habituelle. Nous risquons donc de payer deux fois : une fois pour former nos soldats avec l'argent public, et une seconde fois pour payer leurs services au prix fort via des contrats privés. Dans un contexte budgétaire aussi contraint, ce choix a de quoi laisser perplexe.
 

L'autre danger majeur est d'ordre stratégique. Croire que l'utilisation d'opérateurs privés passera inaperçue aux yeux de Moscou relève d'une grande naïveté. Vladimir Poutine et ses services de renseignement ne s'arrêteront pas à l'étiquette collée sur l'uniforme.
 

Même si le gouvernement espère éviter la qualification de « cobelligérant » en n'envoyant pas l'armée régulière, la réalité du terrain sera vite rattrapée par la logique de guerre. Si des opérateurs français sont identifiés en train de faire fonctionner des canons ou de piloter des équipements sensibles contre les forces russes, la frontière avec la participation directe aux hostilités deviendra inexistante. 
 

Le risque est alors immense : que la Russie décide de ne plus faire de distinction et considère ces actions comme un engagement officiel de la France. Cela donnerait à Vladimir Poutine le prétexte idéal pour des mesures de rétorsion, directes ou indirectes, entraînant notre pays dans l'engrenage d'un conflit ouvert que nous cherchions justement à éviter en contournant le débat parlementaire.

En conclusion

Ce décret n'est pas juste une mesure technique ; c'est un véritable choix de société sur la manière dont la France souhaite projeter sa puissance. Doit-on accepter que la guerre ou le soutien militaire devienne un marché de services comme un autre ? C'est une question qui mérite d'être posée.
 

Pour ma part, je reste vigilant. L'histoire nous a montré, avec les exemples américains en Irak, que l'utilisation massive de contractants privés peut mener à des dérives difficiles à maîtriser.

Sources 

https://r.mailing.francesoir.fr/mk/cl/f/sh/1t6Af4OiGsHKgJpbBbnfkX07Oz8F2h/Vs7-LK2y7aMH

https://r.mailing.francesoir.fr/mk/cl/f/sh/7nVU1aA2nfwLobkGt4TbypF8a8wdhCt/um5dT7KKGznb
 

Cela ne vous étonnera pas : les autres médias sont plutôt discrets sur ce sujet pourtant Ô combien important !

 

Lundi 1 Décembre 2025

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