4 clés pour comprendre la semaine de 4 jours
Il ne faut pas confondre la semaine des 32 heures et celle de quatre jours que Gabriel Attal a promise dans la fonction publique. Et, dont les effets pourraient être décevants. Explications.
Fonctionnaires, ne vous méprenez pas, vous ne trimerez pas moins! Parce que si le Premier ministre a demandé à son gouvernement, lors de son discours de politique générale le 30 janvier, d'expérimenter la semaine de travail de quatre jours dans leurs administrations, pas question pour autant de rogner le nombre d'heures travaillées. Il s'agira bien d'effectuer 35 heures en quatre jours, et non 32 heures.
Concrètement, au lieu de bosser du lundi au vendredi de 9 heures à 17 heures, les agents auront la possibilité de ne travailler que du lundi au jeudi, mais cette fois-ci de B heures à 18 heures (ou bien les lundis, les mardis, jeudis et vendredis, avec un jour de pause le mercredi). L'objectif? Attirer de nouveaux venus, alors que la fonction publique souffre d'un déficit d'attractivité croissant.
Mais, gare aux effets indésirables!
Si les modalités du dispositif n'ont pas encore été détaillées, le jeune locataire de Matignon a argumenté devant les sénateurs. “ Je mesure dans ma génération, comme dans les autres, les changements de mentalité, les nouvelles attentes sur les horaires, sur la disponibilité, sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie familiale [...] Personne ne demande un droit à la paresse dans notre pays. Mais, ces aspirations doivent être regardées pour ce qu'elles sont".
Auprès de Marianne, le cabinet de Gabriel Attal fait le service après-vente: « C'est moins de temps passé dans les transports, moins de stress, et plus de bien-être au travail. »
En témoigneraient les expérimentations menées à l'étranger ou dans le secteur privé français. Autre argument avancé par Matignon selon une concertation en ligne réalisée à l'été 2023 auprès des agents de la fonction publique, les trois quarts d'entre eux se disaient intéressés par une réorganisation de leur temps de travail. Et, pour certains agents aujourd'hui à temps partiel, c'est une possibilité offerte de rester quatre jours tout en passant à temps complet, et donc d'améliorer leur rémunération.
Mais, l'enjeu est aussi d'attirer des candidats potentiels, alors que la fonction publique souffre d'un manque d'attractivité croissant.
Selon l'Insee, en dix ans, les salaires du privé ont grimpé deux fois plus vite que ceux du public. Et, tous les corps de métier de la fonction publique nationale, territoriale et hospitalière sont touchés. En 2023, le ministère de la Fonction publique estimait à 58 000 le nombre de postes non pourvus dans l’Hexagone. Et, la situation n'est pas près de s'arranger puisque le nombre des candidats aux concours de la fonction publique d'État a chuté de 650 000 en 1997 à 228 000 en 2018.
Lors de son passage au ministère de l'Économie en tant que délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal avait déjà lancé une expérimentation de la semaine de quatre jours au sein de l'Urssaf de Picardie, arguant -en pleine mobilisation sociale contre la réforme des retraites-que les Français aspiraient à travailler différemment. La proposition s'était soldée par un véritable flop seuls trois agents sur 200 avaient accepté la nouvelle formule, qui rallongeait mécaniquement les journées travaillées d'une heure et demie par jour.
Les causes de cet insuccès avaient alors été identifiées par l'Urssaf elle-même. Les salariés, à 72 % des femmes, redoutaient l'impact d'une telle mesure sur leur vie de parent et les difficultés d'organisation pour aller chercher leurs enfants à l'école les journées travaillées. Ce qui explique d'ailleurs que les trois personnes ayant opté pour la semaine de quatre jours étaient des femmes... sans enfants.
Sans compter que la mesure contrevient au fameux « réarmement démographique » voulu par Emmanuel Macron.
La semaine de quatre jours n'est pas la semaine des 32 heures, et la plupart des gens ne veulent pas de journées à rallonge, résume Pierre Larrouturou, député européen apparenté au groupe de l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates, et défenseur historique d'une réduction du temps de travail.
Pour que cette mesure soit efficace, il faut travailler moins longtemps. Gabriel Attal sait qu'il y a un problème d'organisation du travail, mais il ne va pas au bout du problème, poursuit celui qui a contribué à l'élaboration de la loi Robien sur l'aménagement du temps de travail en 1996.
Avec la proposition de Gabriel Attal, on est donc bien loin de la semaine de 32 heures défendue par une large partie de la gauche lors de la campagne présidentielle de 2022, qui impliquerait des embauches pour combler les heures non travaillées.
La semaine de 32 heures a de vrais effets bénéfiques, parmi lesquels l'augmentation de la productivité et du bien-être, ce qui explique que de grandes entreprises aient déjà opté par cette formule, comme Danone, la Macif ou Fleury Michon, poursuit le député européen. Il estime qu'elle permettrait de créer, d'après ses calculs, de 1,5 à 2 millions d'emplois.
Un point de vue à mettre en regard avec les critiques émises par les détracteurs des 35 heures:
— désorganisation de l'hôpital,
— de la police,
— de l'ensemble des administrations,
— perte de compétitivité des entreprises, sans compter
— les débats sur le sens du travail.
La semaine de quatre jours voulue par Gabriel Attal, elle, serait davantage une mesure destination des emplois non"télétravaillables", soit les cols bleus, estime Éric Heyer, chef
économiste de l'Observatoire français des conjonctures économiques. À condition qu'ils soient volontaires, au risque de générer des effets inverses, car plusieurs études démontrent que travailler 35 heures en un temps réduit peut engendrer un impact négatif sur la productivité. Plus la journée est longue, plus la productivité baisse, et on ne travaille pas aussi efficacement la huitième heure que la septième ou la sixième, détaille l'économiste, qui conclut que « cela dépend surtout du ressenti de chacun, de son mode de vie et de ses préférences.
Un point non négligeable n'a pas été précisé par le ministère, malgré nos sollicitations: qui seront les fonctionnaires concernés? Les travailleurs au guichet (CAF, La Poste, l’hôpital seront-ils inclus, alors que le service public exige une continuité de ses activités ? « Cela va poser une question très importante pour les manageurs, qui devront réfléchir à une continuité de la rotation de leurs collaborateurs, anticipe Eric Heyer. D'où l'idée que cette mesure soit concertée et pas imposée.
Le résumé de Claude 3, Opus
Voici les points clés à retenir sur l'expérimentation de la semaine de 4 jours dans la fonction publique en France :
- Il s'agit de répartir les 35 h hebdomadaires sur 4 jours au lieu de 5, sans réduction du temps de travail. Les journées de travail seront donc plus longues (environ 8 h 45 par jour). [1]
- L'objectif est d'attirer de nouveaux candidats dans la fonction publique qui souffre d'un déficit d'attractivité croissant, avec 58 000 postes non pourvus en 2023. [1]
- Une première expérimentation à l'Urssaf Picardie n'a attiré que 3 agents sur 200, principalement en raison des contraintes pour les parents et de journées trop longues. [1]
- Certains estiment que pour être efficace, il faudrait réellement réduire le temps de travail à 32 h, ce qui permettrait des créations d'emploi. La semaine de 4 jours sans réduction du temps de travail pourrait avoir un impact négatif sur la productivité. [1]
- Des expérimentations sont déjà en cours dans plusieurs collectivités locales, avec des modalités variables (35 à 39 h réparties sur 4 ou 4,5 jours). [2][3][4]
- Les premiers retours font état
-d'une meilleure attractivité des postes,
-d'une baisse de l'absentéisme et ;
-d'une hausse de productivité.
Mais, il faut veiller aux risques de fatigue et de surcharge. [4]
- L'articulation avec la continuité du service public et le télétravail reste à préciser. Une concertation avec les agents semble indispensable pour adapter les modalités. [1][3]
Conclusion : en résumé, si cette organisation séduit sur le papier, sa mise en œuvre soulève de nombreuses questions pratiques et ses bénéfices réels restent à confirmer, en l'absence de réduction du temps de travail. Un suivi attentif des expérimentations sera nécessaire.
Références :
[1] https://ppl-ai-file-upload.s3.amazonaws.com/web/direct-files/454117/2f4e9d1c-4da4-426c-a796-085f02463644/4 clés pour comprendre la semaine de 4 jours.pdf
[2] https://smi-cfdt.fr/semaine-de-4-jours-des-experimentations-deja-lancees-dans-le-secteur-public
/
[3] https://acteurspublics.fr/articles/les-conditions-dexperimentation-de-la-semaine-en-4-jours-dans-la-fonction-publique-se-precisent
[4] https://www.helloworkplace.fr/semaine-4-jours-fonction-publique-conseils/
[5] https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-18-20-le-telephone-sonne/le-18-20-le-telephone-sonne-du-mardi-06-fevrier-2024-7042077
[6] https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F571
Résumé de cette vidéo
Thomas Visel, humoriste, répond aux grandes questions sur la semaine de 4 jours de travail.
Selon lui, ce n'est pas de la flemme mais un combat juste pour laisser plus de temps libre aux employés afin qu'ils travaillent mieux quand ils sont au bureau. L'idée est de garder les heures efficaces et de supprimer celles où l'on est fatigué et où l'on fait des erreurs.
La semaine de 4 jours pourrait faire disparaître la "réunionite" (réunions incessantes et interminables) et le présentéisme (mesurer la présence au bureau plutôt que le travail effectué).
Pour faire rentrer le travail en 4 jours, il faut répartir mieux les tâches sur le temps disponible, comme on l'a fait il y a 100 ans en passant de 6 à 5 jours.
Cette nouvelle organisation pourrait aussi sauver la vie privée des gens, leur permettre d'avoir plus de temps pour leur vie sentimentale et ainsi améliorer la démographie dans nos pays.
Pour négocier la semaine de 4 jours avec son patron, il faut lui montrer que c'est un système :
— Qui fonctionne ailleurs.
— Qui maintient ou augmente la productivité tout en diminuant l'absentéisme et le turnover.
— Qui permet aussi des économies d'énergie et de ressources pour l'entreprise.
N.D.L.R
Vous aurez noté que la vidéo de Thomas Wiesel, si elle ne nous fait pas rire (ce n’était pas son but), est en revanche tout à fait instructive.
C'est normal, cet humoriste a été diplômé de HEC Lausanne, qui doit bien vouloir HEC Paris, et il a travaillé, pas longtemps (il a préféré l’humour et la scène) comme comptable dans une entreprise de Genève (qui ne doit pas embaucher n’importe qui).