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Vie chère dans les outre-mer : pourquoi l’interdiction des exclusivités d’importation est (souvent) une fausse bonne idée

Pour lutter contre la vie chère, la France a décidé d’interdire les exclusivités d’importation dans les territoires d’outre-mer. Sur le papier, c’est séduisant : on empêche une marque ou un importateur unique de verrouiller l’accès à un produit. Dans la pratique, la mesure heurte la réalité logistique des îles et risque, paradoxalement, d’augmenter les coûts. Voici pourquoi — expliqué simplement, avec des exemples concrets. Un article de The Conversation.



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21 octobre 2025

J'ai vécu la plus grande partie de ma carrière d'agent comptable de l'Éducation nationale dans les outre-mer, entre 1977 à 2007, date de mon départ à la  retraite à 60 ans "an pile".

15 ans aux Antilles (Saint-Barth : 4 ans, Saint-Martin : 11 ans) et 11 ans à la Réunion.

C'est pour cette raison que cet article de l'excellent média The Conversation m'a interpellé.


 Voici mon résumé et mon analyse.

1. De quoi parle-t-on exactement ?

Une exclusivité d’importation est un contrat par lequel une marque confie à un seul opérateur le droit d’introduire et de distribuer ses produits dans une île ou un archipel. Cela signifie que la marque vend ou autorise l’importation via un importateur unique, qui coordonne les commandes, stockage et distribution.

L’État français a choisi d’interdire ces accords automatiquement dans les outre-mer. On parle d’une interdiction « per se » : la pratique est réputée illégale sans examen approfondi. Autrement dit, interdit d’office, point final.

 


 

2. Pourquoi l’interdiction semble, au premier abord, une bonne idée

L’argument politique est simple et vendeur : si un importateur unique verrouille une marque, il peut fixer des prix élevés sans concurrence locale. Interdire les exclusivités vise à éviter ces verrouillages et à protéger le pouvoir d’achat des habitants.

C’est une intuition morale forte : lutter contre les rentes locales, briser les circuits opaques. Mais la bonne intention ne suffit pas à garantir un bon résultat économique.

 


 

3. La logique logistique que la loi oublie (et qui coûte cher)

Dans les îles, importer, ce n’est pas comme livrer un supermarché continental. Il y a des coûts fixes très lourds : affrètement d’un conteneur, formalités douanières, stockage, délais. Ces coûts se répartissent mieux quand un seul importateur achète en grande quantité. C’est la magie des économies d’échelle.

Si l’on interdit l’exclusivité, la marque va devoir fragmenter ses ventes entre plusieurs petits opérateurs. Résultat typique :

  • plusieurs petits envois au lieu d’un seul grand conteneur ;
     
  • augmentation du coût « par kilo » du fret ;
     
  • multiplication des procédures et des marges intermédiaires.
     

Conclusion : au lieu de faire baisser les prix, la fragmentation logistique peut faire monter les prix finaux pour le consommateur.

 


 

4. Exemples concrets (pour visualiser)

Imaginez du riz destiné à la Martinique.

  • Avec exclusivité : un importateur commande un conteneur, règle un seul fret, stocke, distribue. Coût par kilo relativement bas.
     
  • Sans exclusivité : la marque vend par petites quantités à trois importateurs locaux. Trois petits envois, trois lots de frais fixes, une coordination accrue ⇒ un coût par kilo plus élevé, marge finale inchangée ou supérieure.

C’est simple : la logistique a des lois, et l’une d’elles est qu’on paie plus quand on découpe ce qui pouvait être mutualisé.

 


 

5. Les limites d’une approche « tout interdit »

Interdire tous les accords exclusifs, sans examen, revient à appliquer un remède universel à des situations très différentes. Pourtant, la réalité montre que :

  • certains contrats exclusifs peuvent effectivement masquer un comportement abusif (et là il faut sanctionner),
     
  • d’autres exclusivités sont la condition pour qu’un produit soit disponible sur un territoire insulaire (et là, interdire, c’est risquer la rupture d’approvisionnement).
     

Autrement dit, l’interdiction per se confond deux choses distinctes : l’existence d’un accord exclusif et son effet réel sur la concurrence et l’approvisionnement.

 


 

6. Que ferait une politique plus efficace ?

Plutôt que l’interdiction automatique, plusieurs voies sont préférables :

  • Examen au cas par cas (règle de raison) : analyser si l’accord nuit effectivement à la concurrence ou s’il apporte, au contraire, des gains logistiques.
     
  • Transparence : obliger la chaîne (marques, importateurs, distributeurs) à publier des informations sur les coûts et marges pour repérer les abus.
     
  • Actions structurelles : réduire le poids du fret (groupage, plateformes régionales), revoir certains dispositifs fiscaux locaux qui pèsent sur le coût final, encourager la production locale lorsque c’est possible.
     

Ces solutions distinguent le bon grain (abus réels) de l’ivraie (pratiques utiles, mais mal vues), sans casser systématiquement ce qui fonctionne.

 


 

7. Ne pas perdre de vue les causes profondes de la vie chère

Il serait trop facile d’accuser uniquement les contrats. Les raisons profondes de l’écart de prix outre-mer sont souvent structurelles : éloignement géographique, petitesse des marchés, taxes locales spécifiques, infrastructures de transport limitées. S’attaquer uniquement aux exclusivités, sans corriger ces facteurs, revient à gratter la surface d’un gros mur porteur.

 


 

8. Conclusion

L’interdiction automatique des exclusivités d’importation est une fausse bonne idée parce qu’elle applique une solution générale à des problèmes hétérogènes. Elle néglige la réalité logistique insulaire et risque d’augmenter les coûts qu’elle prétend combattre. Mieux vaut une action ciblée, fondée sur la preuve, la transparence et des mesures structurelles visant le coût réel de l’insularité.

 


Pourquoi un conteneur change tout
Un conteneur de 20 tonnes a un coût fixe (chargement, formalités, fret) : plus il est rempli, moins coûteux est chaque kilo transporté. Multiplier les petits envois multiplie les coûts fixes et fait grimper le prix par unité. Mutualiser n’est pas un péché, c’est souvent une condition de prix abordable.

 


 

Glossaire rapide

  • Exclusivité d’importation : contrat donnant à un seul importateur le droit d’introduire une marque sur un territoire.
  • Interdiction per se : règle qui dit « interdit, sans discussion ».
  • Règle de raison : examen au cas par cas pour évaluer si l’accord est nuisible ou bénéfique.
  • Économies d’échelle : diminution du coût unitaire quand on augmente le volume (par ex. conteneur plein vs petits envois).

 


 

 


Mardi 21 Octobre 2025

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