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«L'avenir n'est plus ce qu'il était» [Paul Valéry]



La surprenante révélation des vœux d'Emmanuel Macron (passée inaperçue)

La posture a changé. Finis le piédestal et le ton professoral. Mais le Président de tous les Français ne s'est pas vraiment adressé à tout le monde.



Un article lumineux de Malik Lounès, membre du Conseil National du Parti Socialiste, rédacteur du blog de la Bise de Malik, paru dans le Huffington Post du 5/01/2019

"On s'attendait à ce qu'il mette les Gilets Jaunes au cœur de son intervention. Il leur a préféré le cœur de son électorat."

"On ne peut pas travailler moins, gagner plus. Baisser nos impôts et accroître nos dépenses. Ne rien changer à nos habitudes et espérer respirer un air plus pur!"

La posture a changé. Finis le piédestal et le ton professoral. On parle d'égal à égal. Regard droit, sourire enjôleur et propos "cash", en quelques mots lors de ses voeux du Nouvel An, Emmanuel Macron a atteint son objectif principal, renouer le fil avec une partie des Français.

En partie seulement, car le Président de tous les Français ne s'est pas vraiment adressé à tout le monde. On s'attendait à ce qu'il mette les Gilets Jaunes au coeur de son intervention. Il leur a préféré le coeur de son électorat, les classes moyennes dont une partie est impliquée dans la mobilisation, et les intellectuels.

Il s'est livré à un art apprécié depuis longtemps des élites françaises, celui de la rhétorique bien faite. Abstrait à souhait au point d'en devenir parfois fumeux, il a brossé l'état du monde, nous a parlé du bouleversement de l'ordre mondial tel qu'issu de 1945, de l'apparition de nouvelles puissances prétendant le réorganiser, publiques (Chine, Inde, Brésil) mais aussi privées (les GAFAM), sans les citer, du comportement erratique d'alliés traditionnels (Trump et les USA, sans les citer également), et des défis du siècle (pêle-mêle, la transition écologique, les migrations, le terrorisme, l'intelligence artificielle).

Au terme de sa magistrale description, il nous a livré une surprenante assertion. "Le capitalisme ultra-libéral et financier, trop souvent guidé par le court-terme et l'avidité de quelques-uns, va vers sa fin". Hélas, il n'a pas plus étayé son propos. Pourtant, les ultra-riches sont de plus en plus riches, le dumping social et fiscal qui nourrit leur fortune fonctionnent à plein, l'intégration du coût écologique dans le coût de production qui rognerait d'autant leurs profits n'est pas pour demain, ni même après-demain. Quant aux nationalistes, si c'est cela la préoccupation d'Emmanuel Macron, ils ne font pas peur aux milliardaires. On peut être à la fois nationaliste et ultra-libéral. Comme Trump. Alors, que craindre? Quelle fin serait en train de poindre?

Et puis, quelle curieuse contradiction que celle de nous annoncer la fin de l'idéologie dominante tout en la prenant en référence pour sa politique économique... Car les quelques annonces concrètes et claires du Président sont sans ambiguïté. Le Gouvernement poursuit sa politique sur ses fondamentaux, sans dévier, malgré le mouvement des Gilets Jaunes.

Par "réforme de l'Etat pour plus d'efficacité du service public", comprendre suppression de postes, réduction du maillage territorial et augmentation de la productivité par l'introduction de la rémunération au mérite plutôt qu'à l'indice.

Par "réforme des retraites pour plus de justice", entendre allongement de la durée de cotisation et augmentation de leur montant, pour une bonne et simple raison: il ne peut y avoir de réforme "juste" des retraites qui ne s'inscrirait pas dans une réforme globale des prélèvements obligatoires, donc de la fiscalité. Celle-ci n'est pas à l'ordre du jour.

Enfin, peut-être ce qu'il y a de plus révélateur sur l'ancrage profond du libéralisme économique dans le cerveau du Président et de son équipe, la question des chômeurs. Il y a déjà une forme d'indécence à ériger en priorité la lutte contre une poignée de fraudeurs à l'assurance chômage qui nous coûte quelques dizaines de millions d'euros, sans un mot pour les multinationales qui pratiquent l'optimisation fiscale par dizaines de milliards, sans aucune considération pour les populations et les territoires qui les enrichissent. *

Et puis, quelle méconnaissance de la vie et des gens, au point que l'on se demande si cet exécutif ne souffre pas d'un syndrome d'inhumanité. Comment un chômeur pourrait se prendre pour un retraité et ignorer qu'au terme de sa période d'indemnisation, c'est la dégringolade directe vers les minima sociaux? Comment ignorer qu'une fois au RSA, vous allez vous retrouver avec des revenus inférieurs à votre loyer, ou au remboursement de vos crédits? Qui peut croire que cette perspective ne motive pas à rechercher un emploi? Que chaque jour passé n'est pas vécu comme un compte à rebours vers la chute sociale et la rue?

Emmanuel Macron nous annonce la fin de l'ultra-libéralisme, sans nous dire vraiment par quoi nous pourrions utilement le remplacer, bien qu'il trace une perspective en pointillés. Il nous envoie des signaux qui parlent à notre identité. La "mission de la France" qui doit porter de par le monde et grâce à l'Europe ses valeurs universelles pour le bien-être de l'Humanité, à laquelle s'ajoute aujourd'hui un devoir d'engagement sur l'écologie.

En marketing politique, cela s'appelle une opération b[de "triangulation". En l'occurence, elle consiste à mener une politique néolibérale tout en empruntant pour sa communication les mots et les concepts des plus farouches adversaires de l'ultra-libéralisme. ** Premières victimes, les forces de Gauche comprises entre Mélenchon et Macron.

Emmanuel Macron essaie de les vampiriser tout en menant une politique néolibérale, mais valide en même temps les analyses de celles et ceux qui tirent la sonnette d'alarme sur la marche du capitalisme mondial. À maintes reprises, il s'est lui-même placé dans le rôle du lanceur d'alerte à l'adresse des puissants de ce monde, dénonçant l'accroissement des inégalités qui nourrissent les populismes et l'absence de mobilisation face à l'urgence écologique. ***

Pour lui, l'enjeu est simple, passer le cap d'élections européennes qui mesureront son assise réelle dans le pays. Cette élection à la proportionnelle à un tour va nous fournir une photographie des rapports de forces entre les différents courants politiques. Elles détermineront donc les marges dont disposera Emmanuel Macron pour la deuxième partie de son mandat. Elles matriceront la séquence d'élections locales qui va suivre (municipales, départementales et régionales), ainsi qu'une partie de la donne politique du premier tour de l'élection présidentielle de 2022.

Les "triangularisés" de l'affaire ont un enjeu bien plus important que le simple résultat électoral des élections européennes. Celui de transformer les vagues lignes impressionnistes du Président pour offrir une nouvelle voie à l'Humanité, ambition qu'il a exprimée, en une orientation politique claire, cohérente, crédible. Les élections européennes leur donnent l'occasion de se parler et, pourquoi pas, de s'unir. À eux de savoir la saisir.


* La fraude sociale, c'est 0,4% de 20 milliards d'euros = 8 milliards
La fraude fiscale, c'est 80 milliards (au bas mot) soit 10 fois plus.


** C'est la même technique que celle qui a permis au Front National d'atteindre les 25% dans l'électorat. On utilise les arguments de la gauche pour pratiquer "en même temps" un politique de droite, voire d'extrême droite. Vous comprenez pourquoi il est nécessaire de marteler l'idée qu'il n' y a plus de gauche, ni de droite. Vous comprenez par la même occasion l'attachement de Macron à la théorie du "en même temps"

*** Macron fait exactement la même chose en matière d'écologie. Il se pose en héraut de la protection de l'environnement, mais tout dans sa politique démontre le contraire : renvoi de la transition écologique aux calendes grecques, désaccord total avec Hulot aboutissant à la démission de ce dernier, prorogation des centrales nucléaires, suppression de l'aide fiscale à la pose de fenêtres à double vitrage etc. Pour Macron la seule écologie qui l'intéresse est celle qui permettra aux entreprises de faire des bénéfices (éolien, panneaux solaires etc.)

Dimanche 6 Janvier 2019

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