Quand la légalité prend le pas sur la légitimité
Le point de départ du raisonnement est simple : Emmanuel Macron et son cercle rapproché n’hésitent jamais à utiliser jusqu’à la dernière virgule ce que la loi leur permet.
Bien que toutes leurs manœuvres soient « légales », qu’il s’agisse de nominations, de réformes contestées ou de contournements des débats parlementaires, elles violent régulièrement l’esprit même de nos institutions.
La légalité devient le bouclier derrière lequel on s’abrite pour esquiver toute question de légitimité populaire.
Les exemples emblématiques d’un « brutalisme constitutionnel »
La convention citoyenne pour le climat, torpillée par un filtrage présidentiel après des promesses de « transmission sans filtre ». La réforme des retraites imposée au mépris des voix de la rue et du parlement. Des lois majeures adoptées par des détournements de procédure… Chaque dossier illustre cette tendance lourde : la loi autorise, alors on procédera. « C’est légal », oui… mais est-ce encore républicain ?
Le diagnostic d’Harvard : la pente glissante du brutalisme constitutionnel
Dans « How Democracies Die », Levitsky & Ziblatt identifient deux garde-fous essentiels : la retenue institutionnelle et la tolérance mutuelle. Lorsque les gouvernants s’affranchissent du premier, exploitant toutes les possibilités offertes par la loi pour imposer leur volonté, ils font rentrer la démocratie dans ce que les auteurs appellent le « brutalisme constitutionnel ». Ce passage en force vide la démocratie de sa substance : il prépare le terrain à l’autoritarisme, en créant des précédents dangereux pour le futur.
Vers une logocratie ?
Viktorovitch propose un concept inédit : la « logocratie ». Ce néologisme désigne une situation où la démocratie ne survit plus que dans les formes, où le pouvoir réel appartient à ceux qui maîtrisent le discours public et façonnent le réel à leur avantage. L’idéal démocratique – le pouvoir au peuple – cède la place au pouvoir de ceux qui monopolisent la parole : le logos prime sur le demos.
Conclusion :
La France n’est sans doute pas encore une dictature. Mais sommes-nous toujours en démocratie, ou déjà glissés dans cet entre-deux inquiétant ? Entre brutalité constitutionnelle et contrôle de la parole, le danger est moins dans la couleur partisane que dans l’affaiblissement chronique de nos garde-fous démocratiques. Levitsky, Ziblatt et Viktorovitch nous invitent à ouvrir les yeux, car ce qui peut sembler « normal » aujourd’hui servira de modèle à bien pire demain.
Addendum
« How Democracies Die » est un livre publié en 2018 par les politologues de Harvard Steven Levitsky et Daniel Ziblatt, qui analyse comment les démocraties contemporaines peuvent décliner non plus brutalement par coups d’État, mais lentement, sous l’action d’élus qui érodent insidieusement les normes et institutions démocratiques.wikipedia+2
Sujet principal
Les auteurs expliquent que la mort des démocraties se produit aujourd’hui principalement via des processus électoraux : des dirigeants élus utilisent progressivement leur pouvoir pour saper l’État de droit, instrumentaliser la justice et les médias, et affaiblir l’opposition. L’ouvrage multiplie les exemples mondiaux (Venezuela, Russie, Turquie, Hongrie, Pologne, Thaïlande, etc.) montrant comment l’acceptation déclinante des résultats électoraux ou la stigmatisation systématique des adversaires favorisent la dérive autoritaire.consilium.europa+2
Les signes avant-coureurs du déclin démocratique
Levitsky et Ziblatt identifient quatre indicateurs majeurs :
- Rejet ou faible attachement aux règles du jeu démocratique.consilium.europa
- Délégitimation des adversaires politiques.consilium.europa
- Tolérance ou promotion de la violence politique.consilium.europa
- Volonté de restreindre les libertés civiles de l’opposition et des médias.consilium.europa
Exemples historiques et contemporains
Les auteurs s’appuient sur de nombreux exemples historiques, allant du Chili de 1973 au Venezuela de Chavez, et analysent le cas américain, avec une attention particulière portée aux présidences contemporaines et à la montée des populismes.coleurope+2
Préserver la démocratie
Le livre prône la « tolérance mutuelle » et la « retenue institutionnelle » comme garde-fous essentiels : accepter la légitimité de l’opposition et éviter de tirer parti des failles du système pour accumuler un pouvoir excessif. Il insiste aussi sur la capacité à s’allier temporairement avec des adversaires idéologiques pour sauvegarder l’ordre démocratique.wikipedia+1
Portée et actualité
Reçu comme un best-seller, cet ouvrage a trouvé un large écho dans le contexte de la montée des autoritarismes dans de nombreuses démocraties occidentales, et une suite, « Tyranny of the Minority », a été publiée en 2023.penguinrandomhouse+1
En conclusion, « How Democracies Die » propose une réflexion approfondie sur la fragilité des processus démocratiques, pointe les dérives contemporaines, et suggère des pistes concrètes pour renforcer la résilience des institutions et des citoyens face à ces menaces.coleurope+2
Sources :
https://en.wikipedia.org/wiki/How_Democracies_Die
https://www.amazon.es/How-Democracies-Die-Steven-Levitsky/dp/1524762938
https://es.wikipedia.org/wiki/C%C3%B3mo_mueren_las_democracias
https://www.coleurope.eu/how-democracies-die
https://www.americanacademy.de/how-democracies-die/
https://www.casadellibro.com/libro-how-democracies-die/9780241381359/9026512