Ce qui se joue sous nos yeux n'est pas une simple transition technologique, c'est l'aboutissement d'une guerre de quarante ans, une saga industrielle où un modèle politique et économique hybride – une dictature d'État couplée à un ultra-capitalisme débridé – a méthodiquement démantelé les certitudes occidentales.
Voici l'histoire de la domination sans partage de la Chine et de la catastrophe industrielle occidentale.
Acte I : Le Cheval de Troie (1985-2005)
Au milieu des années 80, la Chine s'ouvre. Pour les géants occidentaux – Volkswagen, GM, Peugeot – c'est l'Eldorado. Ils voient un milliard de consommateurs et une main-d'œuvre docile et bon marché. Pékin pose une condition : la création de coentreprises (joint-ventures). Pour vendre en Chine, il faut produire en Chine avec un partenaire local.
L'Occident, aveuglé par son arrogance technologique, accepte le marché de dupes. Ils pensent contrôler le jeu, transférant des technologies obsolètes (les vieilles Santana ou Citroën ZX) tout en gardant jalousement les secrets de leurs moteurs de pointe. Ils pensent que la Chine restera éternellement "l'atelier du monde", un simple assembleur incapable de maîtriser la complexité inouïe d'un moteur thermique moderne, fruit d'un siècle d'ingénierie.
Pendant vingt ans, l'Occident s'engraisse sur le marché chinois, ignorant que ses partenaires locaux absorbent, apprennent et, surtout, nourrissent une frustration immense d'être toujours les seconds.
Acte II : Le Grand Bond Stratégique (2005-2015)
Le tournant du siècle marque une prise de conscience glaciale à Pékin. Le Parti Communiste réalise qu'il ne rattrapera jamais les 100 ans d'avance de l'Allemagne ou du Japon sur le moteur à combustion. Le jeu est truqué en faveur des incumbents. Alors, la Chine décide de changer de jeu.
C'est ici que le modèle chinois révèle sa puissance terrifiante. Là où les démocraties occidentales sont paralysées par le court-termisme électoral et les dividendes trimestriels, la dictature chinoise planifie sur des décennies. Le mot d'ordre est lancé : l'avenir sera électrique. Un domaine où tout le monde repart de zéro, et où la mécanique complexe ne sert plus à rien.
L'État-Parti mobilise des ressources colossales, impossibles dans une économie de marché classique. Des centaines de milliards de subventions sont déversées. Ce n'est pas du communisme, c'est de l'ultra-capitalisme d'État sous stéroïdes. Pékin lance des centaines d'entreprises dans une arène sanglante, les laissant s'entre-dévorer pour que seuls les champions les plus impitoyables survivent (comme BYD ou Geely).
Surtout, la Chine verrouille l'échiquier avant même que la partie ne commence. Pendant que l'Europe se complaît dans le "Diesel propre" et triche sur les normes antipollution, la Chine s'empare méthodiquement de toute la chaîne de valeur de la batterie. Du cobalt congolais au lithium sud-américain, en passant par le raffinage ultra-polluant sur son sol, Pékin construit un monopole de fait sur le "pétrole" du XXIe siècle.
Acte III : La Tempête Rouge (2015-2025)
Lorsque l'Europe se réveille, forcée par ses propres régulations environnementales à passer à l'électrique, le piège s'est déjà refermé.
Les constructeurs occidentaux, autrefois si fiers, se retrouvent nus. Leurs compétences mécaniques sont obsolètes face à des véhicules qui sont essentiellement des ordinateurs sur roues. Ils découvrent avec horreur que la batterie représente 40% du coût d'une voiture, et que cette batterie est chinoise (CATL, BYD). Ils sont devenus dépendants de ceux qu'ils traitaient hier avec condescendance.
La décennie 2020 est celle de l'humiliation. Les voitures électriques chinoises débarquent en Europe. Elles ne sont pas des copies bas de gamme. Elles sont technologiquement supérieures, mieux connectées, disposent de meilleures autonomies et, grâce à l'intégration verticale totale et aux subventions d'État, elles coûtent 30 à 40% moins cher à produire.
Le modèle occidental finissant craque de toutes parts. Volkswagen, l'ancien maître, est forcé de quémander des plateformes technologiques à des start-ups chinoises pour survivre. Les usines ferment en Allemagne, en Belgique, en France. L'industrie européenne, incapable de lutter contre le dumping d'État et l'efficacité du modèle chinois, entre dans une spirale de déclin.
La Fin de l'Histoire Automobile
En 40 ans, la Chine a transformé une faiblesse historique en une domination stratégique absolue. Son modèle, fusionnant une autorité politique centrale sans contre-pouvoir et une férocité capitaliste inégalée, n'a laissé aucune chance aux vieux modèles industriels occidentaux, trop lents, trop divisés et trop confiants.
La saga de l'automobile, née en Europe, s'achève. Le centre de gravité du monde a basculé. Ce ne sont plus les bruits de moteurs allemands qui résonnent, mais le sifflement silencieux d'une industrie chinoise qui a méthodiquement conquis le monde.
L'extension de ce modèle à l'ensemble du paysage technologique et industriel
Mais l'automobile n'est que la partie émergée d'un iceberg titanesque.
Cette stratégie de « Blitzkrieg » industrielle s'est déjà déployée, avec le même succès foudroyant, dans d'autres secteurs vitaux pour l'avenir de la planète.
L'Occident a ainsi regardé, impuissant, la Chine s'emparer du marché mondial des panneaux photovoltaïques et des éoliennes, transformant ses anciens concurrents européens en simples figurants d'une transition énergétique qu'ils croyaient pourtant diriger.
Dans le domaine de la construction, le pays a redéfini les lois de la physique et de la logistique : les métropoles chinoises sont devenues des Manhattan multipliés par dix, tandis que des ponts colossaux et des hôpitaux complets sortaient de terre en quelques jours seulement durant la crise du Covid-19.
Désormais, c’est sur le terrain de l'Intelligence Artificielle que se joue l'acte final. En un seul plan stratégique, Pékin a rattrapé les États-Unis, proposant des solutions aussi performantes mais infiniment moins coûteuses.
Partout, la recette du succès reste la même : une dictature politique capable d'imposer une planification sur plusieurs décennies, couplée à un capitalisme ultra-débridé qui ne connaît aucun frein, qu'il soit éthique, financier ou réglementaire.
Trump et ses taxes douanières ne sera plus là dans deux ans. L’implacable planification à la chinoise, elle, est encore là pour très longtemps et n’a pas fini de rebattre les cartes à son profit.






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