Repenser la dette : du fardeau au levier social
Traditionnellement, la dette publique est jugée à travers des indicateurs financiers comme le ratio dette/PIB ou le niveau des déficits. Cette logique purement comptable oublie souvent l’essentiel : à quoi sert la dette ? Un article de l’excellent média en ligne indépendant et à but non lucratif : The Conversation.
Un exemple historique inspirant
En 1944, le Conseil National de la Résistance publiait « Les Jours heureux », un programme qui a jeté les bases de l’État Providence en France (sécurité sociale, retraites, éducation gratuite). Pour financer ces mesures, l’État s’est endetté, mais cette dette a permis de bâtir une société plus juste et plus solidaire.
L’économie du bonheur : une nouvelle grille de lecture
L’économie du bonheur est une discipline qui cherche à mesurer l’impact des politiques publiques sur la satisfaction de vie des citoyens, la santé, ou la cohésion sociale, plutôt que sur la seule croissance économique.
Plutôt que de s’inquiéter uniquement du montant de la dette, demandons-nous :
- Améliore-t-elle la qualité de vie ?
- Réduit-elle les inégalités ?
- Prépare-t-elle le pays à relever les défis de demain (transition écologique, éducation, santé) ?
Pour transformer la dette publique en outil d’épanouissement social, plusieurs pistes innovantes existent :
1. Prioriser l’investissement social et écologique
La dette doit financer des projets à fort rendement collectif :
- Transition écologique (exemple : obligation verte)
- Santé publique (exemple : créations d’hôpitaux)
- Éducation (exemple : rénovation des écoles)
- Ces investissements ne sont pas des « dépenses » qui appauvrissent les générations futures, mais des atouts durables.
2. Sortir des logiques de marché
Laisser la Banque Centrale prêter directement aux États pour des projets d’intérêt général à taux zéro limiterait l’emprise des marchés financiers et réduirait le coût du service de la dette.
Exemple concret : Certains pays africains, comme la Côte d’Ivoire, ont converti une partie de leur dette en investissements éducatifs via des accords internationaux (« swaps dette-développement »).
3. Une fiscalité progressive et équitable
Plutôt que d’alourdir la TVA ou d’imposer davantage les classes moyennes, la réorientation de la dette doit s’accompagner d’une fiscalité plus juste : impôts sur les hauts revenus, les grandes entreprises, et les patrimoines importants.
À retenir : Ceci permet de financer les projets collectifs sans appauvrir les plus vulnérables.
4. Des indicateurs alternatifs pour mesurer le succès
Le PIB ou le déficit ne doivent pas être les seuls boussoles. On peut utiliser des indicateurs comme :
- L’accès à la santé
- La satisfaction de vie
- L’empreinte écologique
Définition : Un indicateur alternatif est une mesure qui prend en compte des facteurs humains et sociaux, pas seulement économiques.
5. Contrôle démocratique et transparence
La gestion de la dette doit être transparente et placée sous contrôle citoyen via des audits publics et des budgets participatifs.
Exemple : Certains États expérimentent la blockchain pour tracer l’utilisation des fonds empruntés ou publient en temps réel l’affectation des dépenses.
Politiques innovantes pour réinventer la gestion de la dette
Plusieurs initiatives récentes proposent de sortir du cadre classique de gestion budgétaire :
Obligations vertes ou sociales
L’État émet des emprunts spécifiquement dédiés à la transition écologique, l’éducation, la santé... Les fonds ainsi levés ne peuvent servir qu’à ces objectifs précis.
Obligations liées à la performance
Le taux d’intérêt varie selon les résultats obtenus par le projet financé (par exemple, la baisse de la pollution, la hausse du niveau d’éducation, etc.)
Participation des citoyens
Des « budgets participatifs » permettent aux habitants de décider des projets publics à financer grâce aux fonds issus de la dette.
Gestion numérique et traçabilité
Certains pays suivent et publient en temps réel la trajectoire de leur dette publique. Cela permet d’améliorer la confiance et de rendre des comptes à la population.
Explicitation des termes techniques
Obligation verte : Emprunt public dont les fonds sont utilisés exclusivement pour financer des projets écologiques (énergies renouvelables, infrastructures propres, etc.)
Swap dette-développement : Contrat permettant à un pays d’annuler une partie de sa dette moyennant le financement d’investissements sociaux ou environnementaux (écoles, hôpitaux, etc.)
Audit citoyen : Contrôle public et transparent visant à examiner la gestion de la dette et à s’assurer de sa légitimité et de son utilité réelle.
Conclusion
Plutôt que d’envisager la dette publique comme un problème à résoudre, il est temps de la considérer comme un outil au service du bien-être collectif. À condition d’en contrôler l’usage, de privilégier les investissements durables et de placer le citoyen au cœur des décisions, la dette peut effectivement devenir un facteur de bonheur national plutôt qu’un épouvantail budgétaire.
Article rédigé à partir d’analyses récentes, d’exemples internationaux et des travaux de Francis Munier, Université de Strasbourg (The Conversation, 2025).
Sources :
-
UNIR - Repenser notre rapport à la dette publique – Parti Socialiste (2025)
-
Solidarité intergénérationnelle et dette publique – OFCE (PDF)
-
Un audit citoyen de la dette publique, pourquoi ? – SNUipp (PDF)
-
Quelles sont les conséquences de la dette fiscale et sociale ? – Carilis.fr (2025)
-
Vertus oubliées de l'endettement – Le Monde diplomatique (2024)
-
La dette publique : un épouvantail bien utile – CGT Finances (2002)
-
Dette souveraine et classes sociales – OpenEdition Books (2018)






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