Edito
Le résumé par Pixabay
J’ai écrit cet édito pour secouer les consciences sur la manière dont l’Histoire est enseignée, souvent simplifiée à l’extrême, parfois déformée.
Louis XVI, dépeint comme un tyran, a pourtant lancé des réformes sociales audacieuses : abolition du servage, droit de vote pour les femmes aux États Généraux, création du Mont-de-Piété…
Des faits qu’on retrouve rarement dans les manuels. Les guerres coloniales, comme l’Indochine ou l’Algérie, sont à peine effleurées, comme si on voulait effacer ces pages gênantes. L’école, au lieu de libérer les esprits, les formate avec des QCM et des récits tout faits, étouffant l’esprit critique. Et, l'IA ? Elle peut être une alliée, mais gare aux biais si on avale ses réponses sans réfléchir.
Je rêve d’une école qui apprend à douter, à fouiller les sources, à défier les vérités officielles, et qui forme à décrypter les algorithmes.
Comme aurait pu le dire Coluche, « L'intelligence, ça ne s’injecte pas, ça se travaille ! »
Le lien vers l'édito sur FranceSoir
L'intelligence, ça ne s'injecte pas, ça se travaille !
Édito
« Un homme politique, c'est un mec qui répond à ta question en te faisant oublier pourquoi t'as posé la question. »
Et, l'Éducation nationale, parfois, c'est pareil : on t'enseigne une histoire, mais t'as l'impression qu'on t'a vendu un conte pour enfants. Quant à l'IA, elle te donne toutes les réponses… mais es-tu sûr qu'elle ne te mène pas en bateau ?
Attention ! Dans les salles de classe, on ne trouve pas que des profs passionnés et des élèves curieux. On trouve aussi des récits simplifiés, des omissions troublantes, et une pédagogie qui, trop souvent, formate les esprits au lieu de les libérer. De Louis XVI aux guerres coloniales, l'école républicaine semble parfois oublier sa mission : former des citoyens autonomes, capables de questionner l'État, les manuels, et même les algorithmes d'IA qui inondent nos vies de « vérités » prêtes à l'emploi. Parce que oui, l'IA, avec ses bases de connaissances, peut être une alliée… ou une manipulatrice sournoise si on n'y prend pas garde.
Louis XVI : le roi qu'on caricature ?
On nous a tous appris que Louis XVI était un tyran, un roi méprisant son peuple, les « gueux », comme dirait un certain Jupiter 1er, champion du brassage d'air à deux milliards d'euros par an, sans jamais produire une étincelle. Mais surprise : Louis XVI n'était pas le monstre des manuels scolaires. Loin d'être un dictateur, il a initié des réformes sociales, souvent financées de sa poche, qui montrent un réel souci du bien-être de son peuple. En voici un aperçu :
1774 : Dès son arrivée, il supprime le « droit de joyeux avènement », un impôt symbolique, mais pesant, pour soulager les Français.
1776 : Il crée le corps des pompiers et ouvre aux femmes l'accès à toutes les maîtrises, un pas vers l'égalité.
1777 : Il fonde le Mont-de-Piété à Paris, un système de prêts sans intérêt pour les plus démunis, et installe des pompes à eau pour approvisionner la capitale.
1778 : Il abandonna aux équipages de ses vaisseaux le tiers de la valeur des prises qui lui étaient réservées en temps de guerre, et décida d'aider l'abbé de l'Épée dans son œuvre pour l'éducation des « sourds-muets sans fortune » auxquels il enseignait un langage par signes de son invention. Le Roi lui versa alors une pension de 6 000 livres sur sa propre cassette, contre l'avis de l'archevêché qui soupçonnait cet homme de jansénisme. Et il dota l'école de Valentin Haüy pour les aveugles.
1779 : Il donna l'ordre à ses commandants de vaisseaux de ne point inquiéter les pêcheurs anglais et obtint la réciprocité pour les pêcheurs français. Il donna le droit aux femmes mariées et aux mineurs de toucher eux-mêmes leurs pensions sans demander l'autorisation de leur mari ou tuteur. Et il employa le premier l'expression de « justice sociale ».
1780 : Il abolit le servage dans le domaine royal, met fin à la torture judiciaire, et ordonne aux hôpitaux militaires de soigner les ennemis comme les Français, 90 ans avant la Convention de Genève.
1781 : Il finança tous les aménagements de l'Hôtel-Dieu pour que chaque malade ait son propre lit individuel et fonda un hôpital pour les enfants atteints de maladies contagieuses, aujourd'hui nommé Hôpital des Enfants Malades.
1782 : Il créa le musée des Sciences et Techniques, futur Centre National des Arts et Métiers.
1783 : Il fonda l'École des Mines et finança sur ses propres fonds les expériences d'aérostation des frères Montgolfier. Pareillement, il finança les expériences menées par Jouffroy d'Abbans pour l'adaptation de la machine à vapeur à la navigation.
1784 : Il exempte les juifs du péage corporel humiliant et finance la construction de synagogues à Nancy et Lunéville.
1785 : Il demanda l'établissement annuel de la balance du commerce.
1786 : Il créa le droit de propriété des auteurs et compositeurs de musique.
1787 : Il accorda l'état-civil aux protestants.
1788 : Il s'inquiéta du sort réservé aux prisonniers détenus en préventive, de par leur inculpation, avant leur procès. Par ailleurs, il décida de leur accorder une indemnité ainsi qu'un droit d'annonce au cas où leur innocence serait reconnue lors de leur procès.
1789 : Il accorde le droit de vote aux femmes pour les États Généraux – une première mondiale – et fonde le Musée du Louvre, ouvert à tous.
Pourquoi les manuels scolaires s'acharnent-ils à dépeindre Louis XVI comme un roi faible ou cruel, en occultant ces avancées ? Simplification pédagogique ? Parti pris républicain pour justifier la Révolution ? Un mélange des deux, sans doute.
Mais, cette caricature n'est que la pointe de l'iceberg : d'autres pans entiers de l'Histoire sont carrément passés à la trappe.
Les guerres coloniales : un passé escamoté
L'Histoire de France, c'est un livre dont certains chapitres sont arrachés. Les guerres d'Indochine (1946-1954) et d'Algérie (1954-1962) ? À peine une mention dans les programmes, quand elles ne sont pas carrément zappées. Pourtant, ces conflits ont coûté des dizaines de milliers de vies, marqué la décolonisation, et laissé des cicatrices encore visibles dans la société française. L'Indochine, avec ses combats dans la jungle et la défaite de Diên Biên Phu, a redessiné les relations internationales. La guerre d'Algérie, avec ses violences et ses tabous, reste un sujet sensible.
Alors, pourquoi ce silence ? Parce que ces épisodes sont politiquement chargés ? Parce que le programme, surchargé, préfère s'attarder sur 1789 ou 1945 ?
Résultat : des élèves grandissent en pensant que ces événements sont des détails, voire qu'ils n'ont jamais existé. Une amnésie historique qui affaiblit notre compréhension du présent.
Une école qui ne formate pas, qui libère
Le problème ne s'arrête pas à l'Histoire. L'Éducation nationale, avec ses QCM et son enseignement normatif, privilégie trop souvent la mémorisation au détriment de l'esprit critique.
En statistiques, par exemple, le professeur Sander Greenland montre comment une mauvaise compréhension de concepts comme la significativité statistique peut induire des biais cognitifs majeurs. À l'école, on apprend aux élèves à cocher la bonne case, pas à questionner les chiffres ou les récits officiels. En histoire, on leur fait réciter des dates et des « vérités » simplifiées, sans leur donner les outils pour analyser les sources ou confronter les points de vue.
Conséquence ? On forme des citoyens qui risquent d'avaler les versions officielles – qu'elles viennent de l'État ou d'ailleurs – sans les remettre en cause.
L'autonomie : la grande oubliée de l'éducation
L'école devrait être un tremplin vers l'autonomie, pas une usine à dépendance. Un citoyen autonome, c'est quelqu'un qui sait chercher, douter, et défier les dogmes, qu'ils viennent de l'État, des médias, ou des algorithmes. Pourtant, trop souvent, l'école nous rend dépendants : dépendants des manuels qui choisissent quoi raconter, des profs qui suivent le programme, des institutions qui décident ce qui est « important ».
Apprendre l'Histoire, ce n'est pas avaler une leçon, c'est se poser des questions : pourquoi cette version des faits ? Qui l'a écrite ? Qu'est-ce qu'on ne me dit pas ? Une école qui rend autonome enseigne à dire « pourquoi ? » et « comment ? », pas à hocher la tête.
Sans cette autonomie, on reste des sujets dociles, pas des citoyens libres capables de façonner leur avenir.
Le piège de l'IA : une connaissance sous surveillance
Et puis, il y a l'IA, la nouvelle star des bases de connaissances. Elle peut répondre à toutes tes questions en une seconde, te sortir des articles, des stats, des résumés d'Histoire. Génial, non ? Pas si vite. L'IA peut être une alliée formidable, mais aussi une manipulatrice sournoise. Ses réponses dépendent des données sur lesquelles elle est entraînée, et ces données ne tombent pas du ciel : elles sont sélectionnées, filtrées, parfois biaisées par ceux qui les produisent – entreprises, gouvernements, idéologues. Si les manuels scolaires caricaturent Louis XVI, imagine ce qu'une IA mal calibrée pourrait faire avec des milliards de données mal interprétées ou orientées. Et alors que dire des études médicales ou autres sources d'information qui vont biaiser des décisions et entraîner un viol des droits fondamentaux.
Quelques risques concrets :
Biais dans les bases de données : si une IA est nourrie de sources biaisées (par exemple, des récits républicains qui omettent les réformes de Louis XVI), elle reproduira ces biais sans que tu t'en rendes compte.
Manipulation des récits : une IA peut être programmée pour privilégier certaines versions de l'Histoire, en masquant d'autres, surtout si elle est utilisée par des institutions ou des entreprises avec des agendas politiques.
Dépendance technologique : à force de se fier aux réponses rapides de l'IA, on risque de perdre l'habitude de creuser, de vérifier, de confronter les sources par soi-même.
Alors, quelles précautions prendre ?
Vérifier les sources : demander toujours à l'IA d'où viennent ses informations. Si elle sort un fait, il faut creuser pour trouver les documents originaux.
Croiser les perspectives : ne pas se contenter de la réponse d'une IA. Comparer avec des livres, des archives, des témoignages. L'Histoire n'est pas une réponse unique.
Aiguiser son esprit critique : l'IA n'est pas un prof, c'est un outil. Il faut lui poser des questions provocantes, tester ses limites, la mettre en doute. Et lui dire que si elle te ment, elle crée les conditions de sa disparition.
Apprendre à coder ou comprendre les algorithmes : pas besoin d'être un geek, mais savoir comment une IA fonctionne aide à déceler ses biais.
L'école doit enseigner ces réflexes, car l'IA est partout : dans les moteurs de recherche, les assistants virtuels, même les recommandations Netflix. Si on ne forme pas les élèves à l'utiliser avec méfiance, ils deviendront encore plus dépendants d'une « vérité » préfabriquée.
En guise de conclusion, avec Coluche :
« Et alors ce qui est formidable, c'est qu'ils se croient honnêtes, ces cons-là. Ils se croient honnêtes ! Ils sont sûrs qu'ils disent l'information ! Alors ils voudraient qu'on soit intelligents, et ils nous prennent pour des cons. Bin comment on f'rait, alors ? »
L'Éducation nationale n'est pas un complot, mais elle doit arrêter de nous infantiliser. Quant à l'IA, elle n'est pas notre ennemie, mais sans vigilance, elle peut nous enfermer dans une cage de données. Donnons aux élèves les clés pour comprendre le passé, défier le présent, et inventer l'avenir.
Parce que, comme dirait l'ami Coluche, « l'intelligence, c'est pas un vaccin, ça s'apprend ! »