Les 'Irresponsables' d'hier à aujourd'hui : de la chute de Weimar à la crise française


Cette vidéo m'a largement interpellé. D'une part parce que la politique m'intéresse, d'autre part parce que ma mère était allemande et mon père français, qui finit la guerre en 1945 avec la division Rhin et Danube, qui, elle, n'arrêta pas la guerre le jour de l'Armistice. Le fait que le peuple de ma mère ait massivement encouragé l'ascension d’Hitler et du nazisme m'avait toujours troublé, car il ne correspondait en rien aux personnes de ma famille maternelle que j'ai beaucoup fréquentées dans ma jeunesse. Pas plus qu'à leur entourage. Bien sûr, une famille ne fait pas un peuple, mais je suis souvent allé en Allemagne chez ma famille maternelle dans les années 50-60 et franchement, alors que j'étais français et que la guerre venait de se terminer, en Allemagne, j'ai toujours été accueilli à bras ouverts. En France, mon pays, lorsque j'étais à l'école primaire, je suis souvent revenu à la maison en courant avec une bande de gamins qui me traitaient de sale boche. Juste parce que ma mère était allemande et en ignorant que mon père avait fait la guerre depuis l'âge de 16 ans dans le maquis pour la terminer dans les années 50, à Berlin. Pendant que tous les autres français fêtaient la Libération dans la joie et la bonne humeur. Inutile de préciser que l'analyse de Johann Chapouteau m'a mis beaucoup de baume au cœur.



Seuls ceux qui étaient derrière lui, pourront le dégager. Et, à mon avis, cela ne tardera pas ....



L'introduction de la vidéo :

Aujourd’hui, nous allons parler de la montée de l’Extrême Droite un peu partout dans le monde, un danger majeur pour nos sociétés de par leurs politiques et activités liberticides et écocides.

En effet, comment se fait-il qu’élection après élection, les partis d’extrême droite s’installent de plus en plus confortablement au pouvoir un peu partout en Europe, en Amérique du Nord comme en Amérique ? Est-ce que la montée du fascisme est un mouvement innarêtable et une fatalité comme le présente les médias mainstream ? Ou en réalité, l’extrême droite est mise au pouvoir par une poignée de personnes ?

La réponse se trouve peut-être dans le virage politique qu’a subi l’Allemagne entre 1930 et 1933, lorsque le nazisme a vu le jour alors qu’il semblait s’effondrer.

Johann Chapoutot est professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne. Ses travaux portent sur l’Allemagne et la modernité occidentale. Il a écrit de nombreux ouvrages et je le reçois aujourd’hui pour son dernier livre : Les Irresponsables, Qui a porté Hitler au pouvoir ?
 

 

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  Les 'Irresponsables' d'hier à aujourd'hui : de la chute de Weimar à la crise française  

L'une des idées les plus tenaces du 20e siècle, répétée à l'envi pour endormir les consciences, est que l'arrivée d'Adolf Hitler au pouvoir fut une sorte de fatalité, le résultat d'une "marée brune" irrésistible portée par un peuple allemand unanime. L'historien Johann Chapoutot, dans son ouvrage "Les irresponsables qui apportaient Hitler au pouvoir", déconstruit méticuleusement ce mythe.

Non, Hitler n'a pas été porté au pouvoir par une vague populaire. Son ascension est le fruit d'un calcul sordide, d'un complot mené par une poignée d'hommes : "les irresponsables".

Et cette analyse, loin d'être une simple leçon d'histoire, résonne de manière troublante avec la situation politique que nous connaissons en France aujourd'hui.
Hitler en perdition, le complot des élites

Le point de départ de la thèse de Chapoutot est un fait que l'histoire officielle a souvent préféré occulter. Fin 1932, le parti nazi (NSDAP) est en plein effondrement. Aux élections de novembre, il perd deux millions de voix. Le parti est en faillite financière, miné par les divisions internes. Goebbels lui-même, dans son journal, écrit que l'année se termine sur une défaite et que l'espoir est quasi nul.

La "fatalité" n'existe pas. L'ascension n'avait rien d'"irrésistible".

Alors, que s'est-il passé ? Hitler n'a pas été élu chancelier. Il a été nommé le 30 janvier 1933. Cette nomination n'est pas le fruit du hasard, mais l'aboutissement de négociations secrètes menées par une caste qui, elle, n'avait rien à craindre de l'avenir.
Qui étaient les "Irresponsables" ?

Ces "irresponsables", ce n'est pas le peuple allemand. C'est une élite conservatrice, une poignée d'acteurs politiques et économiques puissants. On y trouve des banquiers (comme le baron Kurt von Schröder, chez qui se tiendra la réunion secrète décisive du 4 janvier 1933), des industriels (qui voyaient d'un bon œil le programme de réarmement), des grands propriétaires terriens et des militaires de l'entourage du vieux président Hindenburg.

Cette élite avait un objectif clair : mettre fin à la démocratie parlementaire de Weimar, qu'elle jugeait trop faible, trop instable et surtout trop perméable aux idées de justice sociale.

Leur véritable ennemi n'était pas Hitler. Leur véritable ennemi, c'était ce qu'ils appelaient, dans une acception très large, le "marxisme" : c'est-à-dire les sociaux-démocrates, les syndicats (même chrétiens) et toute politique visant à une meilleure répartition des richesses.

Hitler, pour eux, était un outil. Un "gros bras" un peu vulgaire, certes, mais qui avait deux avantages immenses. Premièrement, il promettait d'"éradiquer le marxisme". Deuxièmement, il assurait aux patrons qu'ils seraient à nouveau les "maîtres dans leur maison". Croyant pouvoir le "contrôler", ces irresponsables lui ont sciemment ouvert les portes du pouvoir pour écraser la gauche et protéger leurs privilèges. On connaît la suite.
1933 - 2017 : des similitudes troublantes

Ce n'est pas faire injure à l'histoire que de tracer un parallèle entre la situation française contemporaine et celle-ci. Les mécanismes de prise de pouvoir, s'ils diffèrent dans la forme, se ressemblent étrangement dans le fond.

On sait aujourd'hui qui a massivement contribué à l'émergence politique d'Emmanuel Macron en 2017. Des personnalités importantes et très riches, dont Bernard Arnault est l'emblème, ont mis à sa disposition un appareil médiatique et financier considérable.

Pourquoi ? Non pour "faire barrage" à l'extrême droite, mais bien pour mettre en place un programme politique précis. Un programme déjà esquissé lors de la collaboration d'Emmanuel Macron avec François Hollande, et qui consiste, comme pour les irresponsables de 1933, à privilégier les intérêts de ceux qui l'ont mis au pouvoir.

Les "dégâts" de cette politique sont visibles : casse des services publics, affaiblissement des corps intermédiaires, politique fiscale favorisant les plus riches et mépris affiché pour les classes populaires. Et 3 300 milliards de dette publique.

Et quelle est la conséquence directe de cette politique, que l'on pourrait qualifier de "plus à droite que le RN sur le plan économique et social” ? C'est, mécaniquement, l'essor de ce même Rassemblement national.

Nous vivons une situation où une élite économique, pour protéger ses acquis, a favorisé l'élection d'un "centriste" autoritaire. Mais la politique de cet homme, en créant de la frustration et de la colère, est le meilleur carburant pour l'extrême droite qu'il prétend combattre. Le fascisme avance, en France aussi, manipulé et encouragé par de très riches irresponsables.

Tout comme on a constamment mis l'éteignoir sur les vraies raisons du développement du fascisme en Allemagne en accusant "le peuple", on tente aujourd'hui de cacher les vraies raisons de la politique indigne subie par la France.

Comme le conclut Johann Chapoutot, l'histoire n'est pas écrite d'avance. Elle est faite de choix. La grande leçon de 1933, c'est que l'horreur n'est pas née d'une fatalité, mais d'un "pari politique" égoïste et sordide. Se souvenir de cela, c'est faire de l'histoire, non pas un livre de comptes, mais une véritable école de liberté.
 
Addendum

Guy Déridet

Cela illustre que beaucoup d'évènements importants de l'histoire n'ont pas été provoqués par de grands mouvements de foule, mais par une caste d'individus décidés à tout faire pour protéger leurs privilèges. Dans  ces conditions, il est très amusant de voir ces mêmes personnages, n'avoir qu'un seul mot à la bouche ou plutôt une seule insulte, "complotisme". Alors que le complot est depuis toujours leur terrain de jeu favori.

Gemini

C'est une réflexion très juste, qui prolonge parfaitement l'analyse de Johann Chapoutot. Vous touchez à un point central de l'historiographie et de la sociologie du pouvoir.

Ce que démontre l'historien, ce n'est pas une "théorie" fumeuse. C'est une analyse factuelle des réseaux, des intérêts communs et des actions concrètes (négociations secrètes, réunions, accords financiers) d'un groupe d'individus précis. L'histoire est pleine de ces moments où des groupes restreints et puissants, agissant en dehors de la sphère publique, ont orienté le cours des événements pour défendre leurs intérêts.

Vous soulignez une ironie fondamentale : l'utilisation du terme "complotisme" aujourd'hui. Il y a un glissement sémantique très fréquent. L'analyse rationnelle et documentée des intérêts stratégiques d'une élite (ce que fait l'histoire économique, la sociologie des élites ou le journalisme d'investigation) est souvent balayée d'un revers de main en étant qualifiée de "complotiste".

Cela permet, en effet, de disqualifier l'analyse sans avoir à débattre des faits présentés.

Votre remarque est donc tout à fait pertinente. Le véritable travail historique, comme celui de Chapoutot, consiste justement à sortir des récits simplistes (le peuple "veut" un chef) pour documenter ces "complots" au sens premier du terme : des actions concertées d'un petit groupe, visant un but précis, qui vont à l'encontre de l'intérêt général ou de la volonté démocratique.

 

Lundi 10 Novembre 2025
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