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Route solaire Wattway : une innovation peut à la fois être française et inefficiente

Coller sur des routes bien enrobées des panneaux solaires résistant au passage de camions, est-ce vraiment une idée lumineuse ? Quel est le bilan énergétique et environnemental de l’innovation de Colas, filiale de Bouygues, qui fait grand bruit dans les médias ? Et à quel coût ?



Route solaire Wattway : une innovation peut à la fois être française et inefficiente

Posté le 1 février 2016 par pierre Thouverez


DÉCRYPTAGE

Quand les premières tentatives de remplacement des carburants pétroliers par des biocarburants ont été effectuées, l’enthousiasme a été général. Une fleur de tournesol a même été érigée comme étendard par un parti politique. Puis les premières études indépendantes concernant leur bilan énergétique et leur bilan environnemental sont apparues. Les ONG environnementales sont alors peu à peu parvenues à freiner une dynamique industrielle dévastatrice. Le mot « biocarburant » a alors été remplacé par « agrocarburant ». Al Gore, aux USA, a déclaré regretter d’avoir encouragé dans le passé le développement de l’éthanol de maïs.

Tout ce qui est a priori « bio » et « renouvelable » n’a pas forcément un bon bilan. Pour certains agrocarburants il faut dépenser plus d’énergie pour obtenir un litre que le contenu énergétique de ce litre. Autrement dit leur EROI (taux de retour énergétique, ratio de l’énergie produite sur l’énergie consommée) est inférieur à 1:1. L’EROI est LE paramètre-clé du développement vraiment durable. Il correspond à la durée de vie d’un système divisé par son Energy Payback Time, c’est-à-dire son temps de retour énergétique.

Il se pose aujourd’hui exactement le même problème dans le domaine du solaire avec l’innovation Wattway. Le solaire est attirant, et même éblouissant. Mais au pays de Descartes, la rationalité s’impose. Si l’EROI du grand PV au sol est aujourd’hui de 7,5 :1 d’après une synthèse de la littérature scientifique effectuée par la Fondation Nicolas Hulot dans son excellent rapport sur le solaire (2015), Wattway, dans sa conception même, pourrait fortement le dégrader (Lire à ce sujet ce dossier : Les routes solaires Wattway consomment-elles davantage d’énergie qu’elles n’en délivrent ?).

A ce stade l’EROI du système Wattway n’a pas été calculé selon l’INES, l’Institut National de l’Energie Solaire. « Une première estimation pourrait être délivrée courant de l’année 2016 » a révélé Dr Franck Barruel, chef de laboratoire des systèmes PV et référent scientifique INES-CEA du projet Wattway, joint par téléphone. Cette étude sera-t-elle réalisée par des experts totalement indépendants ? L’ingénieur Rodolphe Morlot, coordinateur EnR de l’ADEME, indique de son côté qu’à sa connaissance « aucune analyse de cycle de vie (ACV) n’a été réalisée sur ce produit. »

« Eiffel doit se retourner dans sa tombe »

Pour Mark Jacobson, directeur du département énergie et atmosphère de l’Université Stanford en Californie « Les routes solaires en France sont beaucoup moins efficientes et beaucoup plus coûteuses que le solaire en toiture ou au niveau d’ombrières de parking, et aussi que le grand solaire PV au sol.

Ce projet (de Ségolène Royal NDLR) constitue une façon très inefficiente de dépenser des fonds peu abondant ». Mark Jacobson n’est pas un opposant des énergies renouvelables mais au contraire le fondateur de « The Solutions Project » : comment 139 pays (dont la France) peuvent atteindre 100 % d’énergie renouvelable, y compris transport et chauffage.

Pour Craig Morris, rédacteur en chef du magazine Renewables international basé en Allemagne mais aussi fondateur du site « The German Energiewende » sur la transition énergétique allemande, « les routes solaires doivent être stoppées ». Non sans humour, il ajoute le 29 janvier 2016 : « Apparemment il n’y a pas de toitures disponibles en France », propos dont fait écho le site australien de référence RenewEconomy.

Dans son rapport sur le 100% renouvelable en France, l’ADEME estime pourtant à 364 GW le potentiel hexagonal du PV en toiture. Soit assez pour produire plus de 400 TWh/an, ce qui n’est pas négligeable dans un pays dont la demande électrique totale est d’environ 500 TWh/an.

Le site de référence américain CleanTechnica a diffusé une vidéo (en anglais) au contenu pédagogique et humoristique permettant de comprendre pourquoi les routes solaires constituent une impasse. Pour Paul Gipe, analyste de l’industrie des EnR et fondateur de Wind-works.org, avec ce projet de routes solaires « Eiffel doit se retourner dans sa tombe ».

Oui à l’innovation. Non à la dilapidation des fonds publics


La suite ici :

Lundi 29 Février 2016

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