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«L'avenir n'est plus ce qu'il était» [Paul Valéry]



Quelques îlots résistent...

Qui oserait douter un instant que le pluralisme, la liberté d’expression et l’emploi des journalistes soient l’unique objectif en vue duquel se démènent actuellement MM. Bolloré, Drahi et leurs amis milliardaires ?



Quelques îlots résistent...

Interrogée sur l’irruption fracassante de MM. Vincent Bolloré et Patrick Drahi dans l’univers des médias français, Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, a eu une réponse apaisée : « Un mouvement de concentration dans les médias peut être bénéfique s’il permet d’accompagner la transition des modèles liés aux nouveaux usages numériques. Sur le plan économique, la France a besoin de groupes multimédias solides et dynamiques, des fleurons capables d’affronter la compétition internationale. Mais je veux aussi qu’il puisse y avoir des garanties sur le pluralisme et la liberté d’expression, ainsi que sur la bonne santé sociale du secteur (1) ».

Qui oserait douter un instant que le pluralisme, la liberté d’expression et l’emploi des journalistes soient l’unique objectif en vue duquel se démènent actuellement MM. Bolloré, Drahi et leurs amis milliardaires ? Les journalistes du Figaro qui interrogeaient Mme Pellerin auraient d’ailleurs pu la rassurer tout à fait. Car c’est l’effet d’un pur hasard si l’une des rares décisions que leur quotidien, détenu par M. Serge Dassault, mette à l’actif de M. François Hollande est la vente d’avions Rafale (fabriqués par Dassault) à l’Egypte : « Certains dénoncent l’alliance avec l’Egypte tant que le respect des droits de l’homme n’y est pas irréprochable [sic]. Sans doute oublient-ils les défis auxquels fait face ce pays millénaire et les périls qui menacent sa région » (éditorial du 6 août 2015). Et c’est une autre coïncidence qui a voulu que, le 29 juillet dernier, Les Echos, qui appartiennent à M. Bernard Arnault, consacrent trois articles aux succès de LVMH, propriété de M. Arnault, dont pourtant ce n’était pas l’anniversaire ce jour-là.

Le bilan des groupes multimédias est également triomphal en matière d’emploi : après avoir eu recours à Laurent Joffrin pour amincir une rédaction de Libération qui dorénavant n’a plus que la peau sur les os, M. Drahi, dont la holding est domiciliée à Guernesey, un paradis fiscal, tourne son attention vers L’Express. Là, c’est Christophe Barbier qui, tel le Valère de L’Avare, lui promet de « faire bonne chère avec peu d’argent ». C’est-à-dire de constituer une « rédaction d’élite », d’être « toujours plus exigeant dans l’analyse », de devenir « les meilleurs des meilleurs dans chaque domaine », le tout après un nouveau plan de licenciements. Lequel permettra à M. Barbier de prendre congé des « quelques Robespierre de pacotille » ou des « Savonarole de salon » qui « arrivent au bout de leur histoire avec ce journal ». « Dans toutes les organisations, conclut-il, philosophe, on passe cinq, dix, vingt ans, et puis un jour, c’est le moment de partir » (2). Lui reste. A la fois pour transformer la version numérique de L’Express en prime offerte aux clients de SFR, une entreprise de téléphonie appartenant à M. Drahi, et pour faire partager à ses journalistes une hiérarchie de l’information internationale qui l’a conduit à justifier qu’en novembre 2013, les médias français aient ignoré la visite à Paris du président équatorien Rafael Correa : « L’Equateur n’est pas dans l’actualité. Si une Française avait été otage d’une guérilla en Equateur, son président aurait été invité sur tous les plateaux télé. Voilà, c’est comme ça, c’est injuste (3). »

Un tel raisonnement est surtout injuste pour le lecteur, à qui on devrait faire crédit de n’être encore devenu ni un tube digestif publicitaire, ni un buvard destiné à boire la propagande des industriels. Pourtant, c’est en effet « comme ça » que l’information dominante fonctionne de plus en plus, sur papier comme sur écran. Et, dans cette affaire aussi, les quelques îlots qui résistent à la montée des flots dépendent pour leur salut de la mobilisation de tous...


Serge Halimi

Vendredi 20 Novembre 2015

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